Quel rôle pour les diasporas caribéennes ?

Bruno Gouteux - 15/06/2010
Image:Quel rôle pour les diasporas caribéennes ?

Les « gens de la Caraïbe »
Entretien avec Ramon Grosfoguel

Ci-dessous, la retranscription d’une entretien avec Ramon Grosfoguel, chercheur en sciences politiques et sociologie, enseignant à l’Université de Californie-Berkeley dans le département des études ethniques.

Il a publié notamment Colonial Subjects : Puerto Ricans in a Global Perspective (University of California Press, 2003) et Latin@s In The World-System : Decolonization Struggles In The In Twenty-First Century U.S. Empire (ed., avec Nelson Maldonado-Torres et José David Saldívar ; Paradigm Publishers, 2005)..

Cet entretien a été enregistré le 8 août 2002 à Paris et retravaillée par Alfred Largange, pour Gens de la Caraïbe.

Question : Ramon Grosfoguel, vous êtes porto-ricain et enseignez dans une grande université états-unienne. Pouvez-vous vous présenter ?

- Je suis professeur à l’Université de Californie à Berkeley, dans le Département des Etudes Ethniques« , dans lequel je participe à des travaux de recherche sur les différentes communautés qui composent la population des Etats-Unis. Depuis des années, j’ai également effectué des recherches en science politique, notamment sur la question de la souveraineté nationale pour les pays de la Caraïbe. Je pense qu’il existe une différence entre les pays indépendants et les pays non-indépendants de la Caraïbe, une différence qui est, selon moi, importante au moment de comprendre que, la majorité des pays non indépendants de la Caraïbe, la majorité des populations ne veut pas de l’indépendance. Face à cette réalité qui est établie par les votes pour les partis indépendantistes ou des sondages d’opinion, il y a deux sortes d’explications : la première réponse est colonialiste et essaie d’interpréter le faible vote pour l’indépendance dans ces îles comme un vote en faveur de la domination impériale ; la seconde interprétation est nationaliste et indépendantiste. Elle consiste à dire que le faible niveau du vote contre l’indépendance ou la faible sympathie de la population pour l’indépendance est le fait d’une population colonisée, endoctrinée idéologiquement par »les empires« . Personnellement, Je pense que la réponse est ailleurs, plus loin que les considérations liées au colonialisme et au nationalisme. Je crois que les gens de la Caraïbe non-indépendante ne veulent pas de l’indépendance, ou ne ressente pas de sympathie pour l’indépendance. La majorité des gens répond en faisant allusion aux cas de la République dominicaine, d’Haïti, de Cuba, de la Jamaïque et d’autres pays indépendants de la Caraïbe, en disant qu’ils ne veulent pas être »comme ces pays". Dans le cas des Antilles Françaises, les références sont Sainte-Lucie et la Dominique.

Q : En quoi les exemples des pays voisins sont-ils négatifs ? Est-ce du aux niveaux de vie des populations ?

- Je pense qu’il y a quelque chose de vrai dans ces réponses des populations. Je crois que les gens de la Caraïbe non-indépendante ne veulent pas de l’indépendance ni parce qu’ils sont assimilés aux empires et ni colonisés, ni parce qu’ils ont un problème d’identité, mais parce qu’ils bénéficient d’un mécanisme de distribution des richesses du Nord vers le Sud qui n’existe pas pour les pays indépendants de la Caraïbe. Si vous comparez un ouvrier des maquiladoras (usines manufacturières) de Puerto Rico à un ouvrier d’une maquiladora de la République Dominicaine, vous vous rendez compte que l’ouvrier Porto-Ricain a un niveau de vie beaucoup plus élevé que celui du Dominicain. De même, quand vous comparez un ouvrier de la banane en Martinique avec un ouvrier de la banane en Dominique, vous voyez que le niveau de vie du Martiniquais est beaucoup plus élevé que celui du Dominiquais. En fait, de part et d’autre, de Puerto Rico à la République Dominicaine, de la Martinique à la Dominique, existe une situation d’exploitation de la main d’oeuvre par des firmes multinationales, aussi bien dans les pays indépendants que dans les pays non indépendants. Par contre, il existe quelque chose, dans la Caraïbe non-indépendante, qui n’existe pas dans la Caraïbe indépendante. Il y a dans dans la Caraïbe non indépendante, une distribution de ressources, de moyens financiers, de la métropole vers la périphérie, ce qui n’existe pas dans la Caraïbe indépendante.

Q : Ce qui conduirait à dire que la situation des pays non-indépendants est plus enviable ?

- Je crois que l’existence de ces circuits de redistribution constitue une grande différence parce qu’aujourd’hui, dans la majorité des pays indépendants de la périphérie, il n’existe pas de redistribution de la richesse du Nord au Sud. En fait, les pays indépendants du Sud ne sont pas réellement indépendants. Ils sont dominés et exploités par les pays industrialisés du Nord, mais ils ne reçoivent rien, toute la richesse va du Sud vers le Nord. En fait, ces mécanismes de redistribution des richesses du Nord au Sud existent pour les pays de la Caraïbe non-indépendante via la citoyenneté et le statut d’intégration à la métropole. C’est la cause des différences de niveau de vie constatées et c’est la raison pour laquelle je crois que la majorité des populations de la Caraïbe non-indépendante ne veut pas l’indépendance. Ils ne veulent pas de l’indépendance non par refus de la souveraineté, mais parce qu’ils savent qu’il n’existe pas d’indépendance véritable et préfèrent un statut leur permettant d’adresser des réclamations à la métropole comme citoyens, de réclamer des ressources et des moyens financiers. « Aboule le Fric ! »

Q : Les statuts actuels des pays non-indépendants seraient donc dus à une vision politique assez matérialiste ?

- J’ai eu en Juillet 2002 un entretien avec Monsieur Aimé CESAIRE, en compagnie d’un universitaire haïtien. Un entretien très intéressant parce que quand j’ai parlé de tout cela avec lui, une des choses qu’il a mise en relief, quand nous avons parlé de la départementalisation des Antilles Françaises, était que pour lui l’expérience d’Haïti avait été très importante. Aimé CESAIRE a pu percevoir, à travers l’histoire d’Haïti, comment le problème du néo-colonialisme s’est posé de façon aiguë, dans une configuration que j’appelle « le colonialisme sans les bénéfices du statut colonial moderne des Antilles françaises ou de Puerto Rico, c’est à dire, sans les transferts d’argent de la métropole. Ce »statut colonial moderne« est un statut qui assure les transferts d’argent mais aussi les droits de citoyenneté de la métropole vers la population des territoires non-indépendants dans la Caraïbe. C’est un statut post-colonial créé par les métropoles françaises, hollandaises, et états-Uniennes après la Seconde Guerre Mondiale et somme toute très différent du statut colonial classique. Selon mon analyse, les pays non-indépendants de la Caraïbe sont en fait des colonies sans les inconvénients du colonialisme, tandis que les pays indépendants sont des colonies sans les bénéfices du statut post-colonial dont jouissent les pays non-indépendants. Aimé Césaire nous a dit lors de son entretien une formule amusante qui résumait son approche de la départementalisation : »Aboule le fric !« . Cette expression se rapportait à la façon dont il envisageait la lutte contre les Français. Il disait qu’il fallait lutter pour que les Français paient pour tous les dégâts de quatre cent ans de colonialisme en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane française et à la Réunion. Et le moyen de mener cette lutte était de faire étendre à ces pays les droits conquis par les citoyens métropolitains. C’est-à-dire qu’au lieu d’une l’indépendance où les métropoles continuent à contrôler, dominer et exploiter les pays décolonisés sans rien donner en échange, il fallait aller vers l’intégration, en exigeant l’égalité, en exigeant que les ressources métropolitaines se transférassent à ces pays, et il a utilisé cette formule comme un slogan décrivant la façon dont il voyait la relation avec les Français à ce moment : »Aboule le Fric !". Cependant, Aimé CESAIRE nous a aussi dit que depuis le début, il voyait les limites de cette stratégie. Il voyait que cette stratégie amènerait à un moment au problème de l’identité et à celui d’une plus grande autonomie locale. Ce sont, je crois, les problèmes auxquels nous sommes confrontés depuis les derniers vingt ou trente années dans la Caraïbe non-indépendante. Aimé CESAIRE était conscient depuis le début du problème, mais il voyait qu’il fallait donner la priorité à l’élévation du niveau de vie et à la sortie des masses martiniquaises de la pauvreté dans laquelle elles vivaient. Et la manière de le faire n’était pas avec la création d’une néo-colonie, ce qu’était devenu Haïti à ce moment-là, mais via l’intégration par l’égalité à la métropole, en exigeant de la métropole comme une sorte d’indemnisation pour les dégâts économiques et sociaux, politique et humains qu’avait subis la Martinique pendant quantre-cent ans de colonialisme.

Q : Vous indiquez que les questions de l’identité et de l’autonomie locale concernent la Caraïbe non-indépendante depuis trente ans. Où en est le débat politique à Puerto-Rico actuellement ? Y a-t-il des similarités avec les Antilles françaises ?

- La situation est assez similaire parce qu’à Puerto-Rico, il est continuellement question du statut politique, de l’identité, etc. Les Portoricains discutent continuellement sur l’articulation des relations avec la métropole constituée par les Etats-Unis. Ce sont des discussions quotidiennes à Puerto-Rico, et quand j’arrive en Martinique, j’entends les mêmes discussions, le même type de débats. Dans le cas de Puerto-Rico, il y a une différence avec les Antilles françaises. Pour les Antilles françaises, il y a une intégration de facto, comme départements de la métropole, tandis que Puerto-Rico n’est pas un département, n’est pas comme ce que les états-suniens appelleraient un Etat de l’Union, mais un Etat associé. En termes de conséquences, la différence est minime et Puerto-Rico reçoit presque toutes les aides fédérales, comme si c’était un état d’Union. C’est pour cela que le vote portoricain en faveur de l’indépendance est très réduit, comme dans les Antilles françaises. A Puerto-Rico il y doit y avoir moins de 5 pour cent de la population qui vit de l’agriculture, comme aux Antilles françaises. La société porto-ricaine est une société de services, comme les Antilles françaises, avec une grande proportion des employés et salariés qui sont en fait des employés du secteur public d’Etat. Les fonctionnaires constituent presque 25 à 30% de la population active, alors qu’aux Antilles françaises c’est, je crois, la moitié, 50 pour cent ou plus. Nos situations sont donc très similaires en termes de structures sociales et de relations avec nos métropoles. Je crois aussi que dans la façon dont les populations vivent leur relation avec la métropole, il y a une distinction très claire entre citoyenneté et identité. A Puerto-Rico, les gens ne confondent pas leur identité portoricaine et leur citoyenneté étatsunienne. Les gens veulent conserver la citoyenneté étatsunienne, parce qu’elle leur donne accès à de plus grandes ressources pour élever leur niveau de vie et se déplacer aux Etats-Unis et à travers le monde. Les gens ne confondent pas leur citoyenneté et leur identité portoricaine.

Q : Cela explique que les communautés porto-ricaines aux Etats-Unis, comme à new York, sont très conscientes de leur identité culturelle. Y a-t-il des similitudes entre les communautés porto-ricaines aux Etats-Unis et les communautés antillaises en France ?

- Oui, je crois qu’il y a une similitude parce que c’est dans les métropoles des pays industrialisés que se consolident les identités des Caribéens. C’est quand ils migrent que les gens apprécient leur culture, consolident leur identité, et l’affirment comme différente de celle de la métropole. De même qu’il y a des portoricains aux Etats-unis, il y a des originaires des Antilles françaises, hollandaises, britanniques en France, en Hollande, en Grande-Bretagne et il y a un fort mouvement d’affirmation identitaire, parfois plus fort que dans leurs propres îles. Je crois aussi que le rôle des Caribéens dans les métropoles des pays industrialisés, doit être de prendre la tête des luttes pour la décolonisation de l’intérieur des puissances impérialistes. Je crois qu’au lieu de penser à revenir aux pays d’origine (c’est une illusion du migrant et dans la pratique la grande majorité ne revient pas), il faut consacrer ses énergies à la lutte pour la décolonisation des systèmes impérialistes.

Q : Et comment définiriez-vous cette décolonisation, environ quarante ans après le mouvement des indépendances ?

- Il s’agit, pour moi, d’une lutte pour établir un nouveau type de relations entre les métropoles industrialisées et le Tiers-Monde. Nous, Caribéens devons être à la pointe de ces débats. Nous devons être les premiers dans chaque métropole pour élever la voix pour les pays opprimés par nos propres métropoles. Nous devons être à l’origine d’une critique forte de l’intérieur des métropoles et impulser de nouvelles relations dans le cadre desquelles les centres métropolitains indemniseront, avec des ressources économiques, les pays du Tiers-Monde qui ont été exploités pendant des siècles. Dans un deuxième temps, je pense que nous pouvons prendre les avant-gardes de la lutte contre la colonialité du pouvoir à l’intérieur des métropoles. Le pouvoir est actuellement historiquement aux mains de Blancs d’origine européenne, alors que la configuration démographique des métropoles a changé dans les dernières cinquante années. Cela n’est pas reflété dans les représentations politiques. Les métropoles maintiennent une représentation politique de Blancs européens, à l’exclusion des autres populations non-européennes. Et tout cela entre en contradiction avec la démographie qui existe aujourd’hui dans la majeure partie de ces métropoles du Nord. Quand vous allez dans n’importe quelle ville comme Paris, Londres, Amsterdam ou New-york, vous pouvez voir que la présence des migrants non-européens est très forte. Et cette présence n’est reflétée ni dans la représentation politique, ni dans la manière dont ces métropoles sont représentées en termes d’identité. Au niveau symbolique, dans les moyens de communication, d’éducation, et autres, la présence des non-Européens n’est pas représentée. En fait, il y a là un problème politique et il faut lutter pour la décolonisation de ces problématiques de représentation du corps social à l’intérieur des empires. En troisième lieu, je pense que nous autres Caribéens devons être à l’avant-garde de la lutte contre le racisme, le racisme contre qui que ce soit, Arabe, Africain, Asiatique... Ce qu’il y a de commun entre les Portoricains de New-York et les Antillais de Paris, c’est que nous avons la citoyenneté métropolitaine, et cela nous permet d’entrer dans un terrain de débat public, qui est d’un accès plus difficile pour les immigrés. Et nous devrions être à l’avant-garde de ces débats publics. La participation des communautés caribéennes aux débats politiques globaux semble éloignée des réalités et des aspirations qu’elles expriment. Figurez-vous que dans les années 1920, les différents mouvements panafricains sont arrivés à se coordonner, alors qu’il n’y avait ni ordinateurs et ni téléphones, sans utiliser les moyens de communication modernes qui existent aujourd’hui. Et pourtant les mouvements panafricains qui existaient à l’intérieur des métropoles, composés de sujets non-européens, d’Afro-Américains et Antillais des Antilles britanniques, françaises, ces mouvements ont organisés et réalisés par les divers congrès panafricains qui ont eu une importance essentielle dans la lutte pour la décolonisation de l’Afrique et du reste du monde.

Q : Dans quelle perspective pouvons-nous, selon vous, situer ce combat, au moment où l’on parle de plus en plus de globalisation ?

- Aujourd’hui, nous vivons ce que le sociologue péruvien Anibal QUIJANO appelle la « colonialité du pouvoir », c’est-à-dire que nous vivons dans un monde qui est toujours fondamentalement colonial, un monde dans lequel les centres sont toujours les pays industrialisés et les grandes villes de populations européennes, tandis que les périphéries restent pour l’essentiel de population non-européenne. La relation centre-périphérie est une relation d’exploitation et de domination qui dure depuis 400 ans de colonialisme. Aujourd’hui, alors que la domination coloniale, du point de vue institutionnel, a été éliminée, la structure globale qui a été mise en place pendant ces quatre-cent ans de colonialisme existe toujours. C’est ce qu’Anibal QUIJANO appelle la colonialité : des relations coloniales sans administrations coloniales. L’exploitation du Sud par le Nord, l’exploitation des Non-Européens par les Européens existe toujours. La richesse du monde passe, historiquement, des mains non-européennes aux mains européennes. Quand je parle d’Européen, je parle aussi bien sûr des Etats-unis et des Euro-Américains comme d’une continuité du projet européen. Les relations hiérarchiques qui ont toujours eu cours dans l’histoire coloniale perdurent jusqu’à aujourd’hui, avec l’existence des Etats-Nations et du discours développementaliste. Les populations du Tiers-Monde croient aujourd’hui qu’elles détiennent une véritable souveraineté, qu’elles ont la possibilité de se développer, et que les problèmes existants au sein de leurs frontières sont des problèmes circonscrits à leurs propres Etats-Nations. En fait, les problèmes de sous-développement sont des problèmes globaux, qui incluent les relations Nord-Sud. Les causes du sous-développement liées à la colonialité des échanges économiques mondiaux restent donc invisibles, parce que l’attention se porte sur les frontières des Etats-Nations, sur les territoires nationaux et leur prétendue souveraineté. En fait, au delà des Etats-Nations, au niveau international et global, dans un contexte dans lequel les firmes multinationales et les acteurs financiers globaux prennent le pas sur les Etats, les relations d’exploitation et de domination entre le Nord et le Sud, déterminent le destin des pays du Tiers-Monde, destin qui se joue bien au delà des frontières nationales.

Entretien, traduction et retranscription : Alfred Largange

A lire :

« Malgré la décolonisation formelle, une colonialité globale perdure sous des formes multiples et imbriquées : les dominations fondées sur le genre, la race, les pratiques sexuelles, la langue, la spiritualité, etc. La décolonisation du monde appelle une politique nouvelle, qui, au-delà des affirmations identitaires (cultural studies) et des relations de travail (marxisme), donne toute leur place aux savoirs situés, ouvre une géopolitique de la connaissance. Il s’agit moins alors de prendre le pouvoir que d’inventer des institutions collectives, locales et globales. »

Les Implications des altérités épistémiques dans la redéfinition du capitalisme global : transmodernité, pensée-frontalière et colonialité globale

Bruno Gouteux est journaliste et éditeur —Izuba éditions, Izuba information, La Nuit rwandaise, L’Agence d’Information (AI), Guerre Moderne, Globales…—, consultant —Inter-Culturel Ltd— et dirige une société de création de sites Internet et de contenus —Suwedi Ltd.

Il est engagé dans plusieurs projets associatifs en France et au Rwanda : Appui Rwanda, Distrilibre, Initiatives et Solutions interculturelles (ISI), le groupe Permaculture Rwanda, Mediarezo

 15/06/2010

 Vos commentaires

Articles référencés 

Lyanné-zòt alè asi "Gwakafwika Révolisyon"
20/10/2010
Koup Digicel a Karayib-la
19/10/2010
Aprézan nou an révolisyon
19/10/2010