Human Rights Watch et le Rwanda

Safari - 6/06/2014
Image:Human Rights Watch et le Rwanda

La démonstration de Richard Johnson est implacable.
Un simple communiqué ne suffira pas...

Un simple communiqué d’Human Rights Watch - comme celui publié le 3 juin dernier sur le site de l’association – ne sera pas suffisant pour faire taire les critiques qu’on peut à juste titre lui adresser sur sa gestion du dossier rwandais. L’analyse – très documentée – de Richard Johnson devra donner lieu à des réponses circonstanciées.

« Human Rights Watch applique les mêmes méthodologie et objectivité rigoureuses dans tous les pays où nous travaillons, et le Rwanda n’y fait pas exception. Nous rejetons fermement les accusations de parti pris politique et nous maintenons le contenu de nos rapports sur le Rwanda. » — Daniel Bekele, directeur de la division Afrique d’Human Rights Watch (3 juin 2014).

Human Rights Watch [HRW] semble bien embarrassé par les déclarations du ministère de la Justice rwandais publiée dans le journal The New Times le 2 juin 2014. Mais ce n’est pas la première fois que le gouvernement rwandais critique le travail de l’organisation de défense des droits de l’homme.

HWR nie toutes les accusations portées par le gouvernement rwandais, qui l’accuse de soutenir les FDLR, les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda, rebelles rwandais dont certains membres ont participé au génocide des Tutsi de 1994 et qui sont encore actifs – malgré la Brigade d’intervention de l’ONU – aux Nord et Sud Kivu, à l’est de la République démocratique du Congo (RDC) où ils commettent depuis vingt ans de nombreuses exactions sur les populations congolaises (pillages, viols, extorsions, trafics de matières premières, …).

Ingénument, Carina Tertsakian, chercheuse en charge du Rwanda pour HRW, prétend ne pas être informée qu’une accusation aussi grave était portée contre son organisation: “La première fois que nous avons entendu parler de cela, c’était lorsque nous avons lu l’article dans le New Times”, aura-t-elle déclaré au micro de RFI.

Elle passe ainsi sous silence une analyse publiée en 2013 – dont on imagine mal qu’elle puisse ne pas avoir connaissance – réalisée par un ancien diplomate américain, Richard Johnson, The Travesty of Human Rights Watch on Rwanda (mars 2013) et qui aura été largement relayé, donnant même lieu à des commentaires élogieux de journalistes et de chercheurs.

Ce livre vient d’être traduit en français par la maison d’édition associée au portail d’information Izuba. Les lecteurs francophones pourront donc prendre connaissance de cette analyse, dont on peut lire certaines des recensions et commentaires qui ont suivi sa publication sur le dossier de presse qui accompagne les présentations publiques du livre données cette semaine en Europe:

« Cet essai passionné est une contribution précieuse au débat sur les changements fascinants qui se déroulent au Rwanda d’aujourd’hui. Il soulève également de sérieuses questions sur les organisations de défense des droits de l’Homme. Très original et provocateur, il obligera les lecteurs à remettre en question ce qu’ils croient savoir. »Stephen Kinzer, Grand Reporter pour le New York Times, correspondant de la New York Review of Books et du Guardian, auteur de « A Thousand Hills: Rwanda’s Rebirth and the Man who Dreamed It »

« Je suis d’accord avec l’analyse bien documentée de Richard Johnson des préjugés extrêmes et inexpliqués dont fait preuve Human Rights Watch à l’encontre du Rwanda dans ses rapports et déclarations publiques. Mes propres recherches, mon expérience humaine et professionnelle au Rwanda m’ont apporté maintes preuves attestant que HRW mène une campagne visant à discréditer les réalisations et à ternir la réputation d’un pays qui a surmonté le génocide et a fait des progrès étonnants en matière de développement humain. »Tim Gallimore, ancien porte-parole du procureur du TPIR, Tribunal Pénal International pour le Rwanda

« Le gouvernement Kagame a toujours mérité de nombreuses critiques sur son bilan en matière de droits de l’homme, mais cela n’a jamais suffit à certaines organisations de défense des droits de l’homme. Pour des raisons aberrantes mais inconnues, elles ont toujours jugé nécessaire d’exagérer et de déformer le véritable bilan. Richard Johnson apporte une contribution majeure en mettant à jour le ‘deux poids deux mesures’ et les excès dont elles font preuves. »Gerald Caplan, Docteur en Histoire africaine, consultant pour la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique à Addis-Abeba, auteur de « Rwanda: The Preventable Genocide »

« Le livre de Johnson fournit une analyse approfondie intelligente et indispensable de la motivation et des pratiques de Human Rights Watch à l’égard du Rwanda. Cette organisation non gouvernementale internationale, avec les importants moyens de pression sur les médias et sur les relations publiques qu’elle exerce, peut influencer les orientations des gouvernements démocratiques, même si ses propres pratiques et motivations sont loin d’être transparentes. La stratégie de HRW à l’égard de certains pays comme le Rwanda et Israël a trop longtemps reposé sur les caprices des hiérarques de HRW et sur leurs points de vue profondément politiques et entachés de préjugés. Il est devenu clair, concernant le Rwanda, que les chercheurs de HRW travaillent selon une directive visant à discréditer le gouvernement actuel de Kigali auprès de la communauté internationale et régionale. Il est affligeant de constater que les centaines de milliers de victimes du génocide n’ont été l’objet de presque aucune considération, alors que HRW a mis son influence au service d’une politique de soutien aux adversaires de l’actuel gouvernement rwandais démocratiquement élu, même lorsque ces opposants étaient d’anciens génocidaires, des négationnistes du génocide et des opposants dont le seul but est de renvoyer le Rwanda à l’instabilité et aux clivages régionaux et ethniques qui prévalaient dans sa politique et sa société en 1994. Le danger pour HRW et son directeur exécutif Kenneth Roth est qu’avec leurs attaques directes, partiales et très clairement personnelles contre le gouvernement de Paul Kagame, l’action non-politique et d’importance vitale que HRW mène ailleurs dans le monde sera rejetée comme partiale elle aussi. La lecture de l’essai de Richard Johnson, qui arrive à point nommé, devrait rappeler à chacun que les défenseurs auto-proclamés des droits de l’Homme dans le monde peuvent eux-mêmes agir et mener certaines de leurs campagnes pour des raisons profondément viciées, et qu’elles doivent répondre de cette dérive de toute urgence.»Andrew Wallis, chercheur britannique, auteur de « Silent Accomplice: the Untold Story of the Role of France in the Rwanda Genocide », I.B.Tauris, 2014)

La journaliste Linda Melvern, qui aura même préfacé la version française du livre, compte également parmi les laudateurs de l’analyse de Johnson:

« (…) Quand la cinglante étude critique “The Travesty of Human Rights Watch on Rwanda” de Richard Johnson a inopinément jailli sur la scène en 2013, ce fut une révélation. Dans son essai, aujourd’hui traduit en français, l’auteur expose l’histoire effarante relatant comment l’hostilité viscérale de Human Rights Watch à l’égard du gouvernement rwandais avait contaminé ses rapports et ses actions de plaidoyers (…) La présente édition française est à saluer. Elle permet à l’essai de Richard Johnson de trouver un nouveau public. Son travail mérite la plus large diffusion possible et l’examen le plus minutieux. L’histoire n’est pas terminée. »Linda Melvern (extrait de la préface)

Le déni d’Human Rights Watch n’est donc pas de mise.

Un simple communiqué de l’association – comme celui publié le 3 juin dernier sur son site – ne sera pas suffisant pour faire taire les critiques qu’on peut à juste titre lui adresser sur sa gestion du dossier rwandais. L’analyse – très documentée – de Richard Johnson devra donner lieu à des réponses circonstanciées. Il en va de la crédibilité d’Human Rights Watch, déjà critiquée, notamment pour son action de plaidoyer en Côte d’Ivoire.

Les francophones pourront prendre connaissance de l’analyse de Richard Johnson en se procurant son livre, “Rwanda, la trahison de Human Rights Watch”, disponible depuis quelques jours en France et en Belgique (10 euros, Izuba éditions).

Laissons à cet auteur le soin de conclure provisoirement ce débat naissant, dont nous ne doutons pas qu’il connaîtra dans les jours qui viennent un écho grandissant:

"(…) Je pensais du bien de Human Rights Watch à l’époque où cette organisation s’appelait Helsinki Watch et axait son action sur l’Europe de l’Est ; j’étais alors au service diplomatique américain et j’agissais de même. J’en pensais encore du bien, la première fois que j’ai lu Aucun témoin ne doit survivre avant d’arriver au Rwanda en 2008. Mais plus j’en apprenais sur le Rwanda, moins je faisais confiance à HRW. Ce qui m’a ouvert les yeux de façon définitive a été la campagne de HRW en faveur de la participation du parti FDU/RDR aux élections rwandaises de 2010.

Quelque chose tourne sérieusement mal dans une institution qui voudrait qu’un parti politique fondé par les dirigeants d’un génocide soit autorisé à retourner sur les lieux du crime.

C’est d’autant plus dangereux quand cette institution a le pouvoir d’influencer la politique occidentale. J’ai donc examiné de plus près le discours de HRW sur le Rwanda dans son ensemble. J’ai conclu que la synthèse qui résume le mieux ce discours est celle qui est constituée par les consignes qui structurent cet essai : « laissez les parties génocidaires revenir », « n’interdisez pas leur idéologie », « ne jugez que quelques responsables », et « admettez que vous ne valez pas mieux qu’eux ». J’espère que ma synthèse ouvrira d’autres yeux."

Présentation du livre (Izuba édition):

Depuis sa fondation, en 1988, l’organisation non gouvernementale internationale Human Rights Watch a acquis la réputation d’agir au nom de la défense des droits humains à travers le monde. En témoigne le « Prix des droits de l’homme » qui lui a été décerné par les Nations Unies, en 2008.

Cette image de marque confère une autorité certaine à ses rapports et à ses communiqués, largement diffusés par la presse internationale.

Mais derrière l’image, rarement contestée, de cette organisation se cachent un fonctionnement, des processus d’enquête et des modes de prise de décisions opaques et totalement méconnus.

L’enquête minutieuse menée par Richard Johnson montre que, concernant le Rwanda, Human Rights Watch, viscéralement hostile au FPR, met son crédit international au service des héritiers de la politique génocidaire qui a conduit à la mort plus d’un million de personnes, en 1994.

Documents à l’appui, Richard Johnson démonte les procédés utilisés par Human Rights Watch pour relativiser le génocide des Tutsi, faire obstruction à la justice à l’encontre de génocidaires, ou encore soutenir le retour, sur la scène politique rwandaise, des partisans d’une politique ethnique qui aura déjà conduit au pire.

La démonstration de Richard Johnson est implacable. Sa lecture indispensable.

Fiche technique
Rwanda, 
La trahison de Human Rights Watch
Auteur : Richard Johnson

Traduction de l’anglais
 : Jean-Luc Galabert
Coll. : Essais - Rayon : Sc. Politique (2070)
, Histoire africaine (2110)
Sortie : 5 juin 2014
164 pages - 103,3 x 185 mm - Prix : 10 €
EAN : 979-10-93440-02-6

Safari collabore au site d’information Medialternative et au collectif libertaire Ad Nauseam.

« Nous n’avons rien appris, nous ne savons rien, nous ne comprenons rien, nous ne vendons rien, nous n’aidons en rien, nous ne trahissons rien, et nous n’oublierons pas. »

 6/06/2014

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