Nuit et brouillard sur le Rwanda

« Un travail d’information et d’explication sur le génocide des Tutsi tout à fait remarquable. »
Jean Chatain découvre les horreurs perpétrées par les milices et les troupes gouvernementales plus enclines à massacrer les Tutsi qu’à affronter les troupes du FPR.
La litanie des charniers, les cadavres qu’il voit charriés par l’Akagera, source du Nil, nous pénètrent d’émotion.
C’est l’exacte réalisation, dit-il, du discours de Léon Mugesera qui en 1992 enjoignait de « couper les têtes des Tutsi et que, par un cours chemin qui est le Nil, ils retournent ainsi chez eux en Abyssinie ».
Les réflexions de l’auteur, face aux cadavres, nous interrogent sur le gouvernement français qui sauve la mise aux tueurs et à leurs commanditaires.
Sous sa plume, une sorte de nouveau « Exterminez toutes ces brutes ! » de Sven Lindqvist s’est écrit en 1994.
Au fond de ces récits d’horreurs,
Jean Chatain essaie de comprendre la mécanique de « cette machine à tuer son peuple ».
Il observe que les colonisateurs inspirés par des théoriciens racistes, dont le marquis de Gobineau, ont inventé des races à partir des différences sociales et ont inculqué cette haine raciale entre Rwandais qui fit recommander par Léon Mugesera de couper la tête des Tutsi et de les jeter dans la Nyabarongo, cet affluent du Nil, pour les renvoyer là d’où ils seraient prétendument venus, l’Abyssinie.
Il rappelle que l’intervention militaire de la France a plusieurs fois « sauvé la mise » à ce régime qui prépare un génocide.
Les explications de Jean Chatain durant le génocide sont d’une lucidité profonde.
Il est un des rares journalistes à avoir été témoin et à avoir informé, pendant le génocide des Tutsi, sur les massacres que les soldats du FPR découvrent au fur et à mesure de leur avancée.
Dans un langage très sobre mais empreint d’émotion,
il décrit l’horreur des massacres, l’horreur dans l’horreur même : le génocide.
La relecture des textes de Jean Chatain reste d’actualité tant que la genèse et les mécanismes du génocide des Tutsi n’ont pas tous été élucidés. Et ils ne le sont toujours pas...
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Jean a vérifié les épreuves de ce livre et, alors qu’au début il ne voyait pas l’intérêt de rééditer ses articles sur le génocide des Tutsi, il était finalement impatient de voir paraître cet ouvrage.
C’est avec consternation que nous avons appris son décès ce 5 décembre 2019.