La Nuit rwandaise n°6

Edition Izuba - 7/04/2012
Image:La Nuit rwandaise n°6

7 Avril 2012
L’implication française dans le dernier génocide du XXe siècle

Le 6eme numéro de La Nuit rwandaise :

En ce mois de commémorations et comme chaque avril depuis 2007, la revue La Nuit rwandaise vient rappeler qu’en France, des hommes politiques, des militaires, des diplomates et des banquiers ne sont toujours pas inquiétés pour avoir été impliqués - comme complices ou participants directs - dans le dernier génocide du XXe siècle, l’extermination programmée des Tutsi du Rwanda, en 1994.

Sommaire

La Rédaction

• Editorial

• Procès des généraux français contre La Nuit rwandaise

• Chronologie

I Les nouveaux visages du négationnisme

Jacques Schaff

• Le génocide des Tutsi du Rwanda dans les manuels scolaires français de 1995 à 2008

Antoine Mugesera

• Filip Reyntjens : du chercheur engagé au militant enragé

Jean Damascène Bizimana

• Les facettes du négationnisme du génocide des Tutsi de 1994 à nos jours

Tom Ndahiro

• Le juge espagnol passible de poursuites

Jacques Morel

• Lettre à Daniel Mermet Émission Là-bas si j’y suis

II Les atermoiements de la justice

Alain Gauthier

• Les victimes du génocide des Tutsi attendent toujours que justice soit rendue en France…

Nicolas Robert

• Assignés devant le TGI de Bordeaux pour « atteinte au respect de la présomption d’innocence »

Mehdi Ba

• Attentat du 6 avril 1994 : la faillite des « experts » 235

Michel Sitbon

• Un attentat français

III Témoigner malgré tout

Josias Semujanga

• Quand l’humanitaire serre la main du diable ou l’indicible de l’Itsembabwoko

Tito Mugrefya

• Impacts de la reconnaissance et du déni du génocide sur les rescapés

Yves Cossic & Jean-Luc Galabert

• Désolation déracinement et perte de sens de la langue maternelle

Andrea Grieder

• Fractures de vie sur la colline de Nyamagumba

• Vivre après et avec le génocide contre les Tutsi au Rwanda

César Murangira

• Le devoir de Mémoire, l’Obligation de justice : un engagement de tous les jours pour les rescapés et survivants du génocide des Tutsi du Rwanda.

IV Mapping Rdc : un rapport controversé

Roland Junod

• Le concept de génocide - Enjeux juridiques, éthiques, politiques et symboliques

France Rwanda Génocide

• La responsabilité de la France dans les guerres au Congo ex-Zaïre

V Eglise et génocide

Jean-Claude Ngabonziza

• L’origine de la haine du Tutsi au Rwanda

• Rwanda : du symbolique biblique du mal au supplice humain

Michel Sitbon

• Bosnie, Rwanda : les crimes de la Vierge

VI La doctrine de la guerre contre-révolutionnaire

Cyril Hauchecorne

• L’ « école française » de contre-insurrection, une doctrine d’extermination massive ?

Mahfoud Benoune

• La doctrine contre-révolutionnaire de la France et
la paysannerie algérienne : les camps de regroupement (1954-1962)

VII Notes de lecture

Jean-Pierre Cosse

• L’agenda du Génocide de Jean-François Dupaquier

Nyamirambo Point d’Appui

• Manifeste du 10 mai 2010 au Parlement européen

Colonel Lacheroy

• Guerre révolutionnaire et arme psychologique

Edito

Suite aux plaintes de neuf officiers de l’armée française contre La Nuit Rwandaise pour diffamation, le n°5 de la revue (avril 2011) avait été consacré à la publication du communiqué incriminé ainsi que du rapport de la Commission nationale indépendante chargée de rassembler les preuves montrant l’implication de l’Etat français dans le génocide perpétré au Rwanda en 1994.

Depuis, l’instruction suit son cours et deux citations à comparaître ont été déposées par le Col. Hogard et le Général Rosier. L’équipe de La Nuit rwandaise a décidé de se défendre sur le fond de l’incrimination et non sur la simple forme. Nous entendons que soit posée la question de la légitimité de la requête du communiqué du Ministre de la Justice, Tharcisse Karugarama, à savoir que les actes perpétrés par l’Etat français au Rwanda justifient la qualification de complicité de crime de génocide. C’est la raison pour laquelle nous essayons de constituer des dossiers d’offre de preuve concernant les plaignants pour amener matière à démontrer cette complicité.
Nous souhaitons que ce procès soit l’opportunité d’un plus large débat qui dépasse le simple cadre de la revue.

Cette année aura vu différents rebondissements judiciaires, peu d’entre eux allant dans le bon sens. Tout d’abord, après avoir été relaxé en première instance et en appel, Patrick de Saint Exupéry a vu le jugement qui lui était favorable remis en cause par la cour de cassation. Pour rappel, quatre officiers supérieurs, le Col. Hogard et les généraux Eric de Stabenrath, Jean-Claude Lafourcarde et Didier Tauzin, avaient jugé diffamatoire que leur nom figure sur la couverture de la réédition du livre L’inavouable, La France au Rwanda.

Egalement accusés de diffamation, pour avoir, dans une correspondance privée, qualifié Jean-Marie Vianney Ndagijimana de négationniste, Jean-François Dupaquier et Jean-Pierre Chrétien ont gagné leur procès en première instance ; l’interessé a fait appel.

De son côté, l’association bordelaise CAURI a décidé de ne pas faire appel de la décision la condamnant pour non respect de la présomption d’innocence à l’encontre du Dr Sosthène Munyemana, surnommé dans un rapport d’African Rights, le « boucher de Tumba ».
Ces quatre procès démontrent l’activisme des présumés génocidaires et de leurs complices, également présumés tels. A chaque fois, les plaignants portent l’affaire sur la forme et entendent bien que le fond ne soit pas discuté. C’est pourquoi la constitution des dossiers d’offre de preuve est un enjeu capital.

Nous appelons tout témoignage, tout document pouvant étayer les accusations de complicité de génocide à l’encontre des neufs officiers ayant porté plainte contre La Nuit Rwandaise à savoir le général Christian Quesnot, chef d’état-major particulier de François Mitterrand pendant le génocide, Jacques Hogard, Jacques Rosier, Jean-Claude Lafourcade, Jean-Jacques Maurin, Michel Robardey, Etienne Joubert, René Galinié et Bernard Cussac.

Nous faisons aussi appel à la générosité de ceux qui le peuvent pour pouvoir financer les importants frais de procédure.

D’autre part, les plaintes déposées contre x pour crimes contre l’humanité par trois plaignantes rwandaises, et soutenues par Annie Faure, suivent leur cours. Après avoir été éconduites une premières fois, les plaignantes auront pu enfin être entendues par le juge Frédéric Digne début décembre.

A l’heure actuelle, la procédure est toujours au Tribunal aux armées de Paris mais sera à terme transférée au fameux Pôle génocide et crimes contre l’humanité à Paris, Porte de Bagnolet. On ne peut que regretter que cette nouvelle institution soit toujours privée de moyens adéquats.

Cet état de fait montre que l’Etat français n’a pas fait le choix de la justice. Pour preuve, 24 plaintes ont été déposées par le Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda (CPCR) contre des présumés génocidaires en France, certaines depuis 1995, et à ce jour, aucun procès n’a encore commencé.
Rappelons à ce titre, l’arrêt rendu par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) dans l’affaire Mutimura contre France qui condamne l’Etat français pour n’avoir pas rendu justice dans un délai raisonnable : en effet, la plainte de Mme Mutimura datait de juillet 1995 et visait le prêtre Wencesclas Munyeshaka. Pour rappel, cet arrêt fut rendu en 2004, et depuis, toujours rien...

De même, l’intervention récente du procureur général de la République rwandaise, Martin Ngoga, fustigeant le fait qu’après 35 comissions rogatoires françaises au Rwanda, aucun procès n’ait encore commencé. Ces derniers ont été amenés à quitter le Rwanda avant la fin de leur mission. Pire fut encore la perte d’un dossier de demande d’extradition concernant Hyacinthe Rafiki Nsengyumva au sein du Tribunal de Grande Instance de Paris. Perte qui non seulement s’est soldé par la remise en liberté de M. Nsengyumva, mais en plus constitue un danger pour les témoins ayant déposé dans ce dossier, comme le rappelle le Procureur général Ngoga.

On abordera quand même, dans cet éditorial, le cas de M. Callixte Mbarushimana, secrétaire exécutif des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) qui sèment la terreur depuis sa création à l’est de la République Démocratique du Congo (RDC), un rapport de l’ONU considère cette organisation comme la principale source de troubles dans les Kivu. Pour rappel, les FDLR sont les héritiers de l’idéologie du Hutu Power, à la suite de l’ALIR et avant cela du gouvernement génocidaire ayant fui au Zaïre avec les Interahamwes sous la protection de l’opération Turquoise.
M. Mbarushimana est donc accusé de coordonner les exactions commises au Congo envers des civils depuis Paris. Par ailleurs, une plainte est aussi déposée à son encontre en France pour crimes de génocide en 1994, et fin 2010, un mandat d’arrêt délivré par la Cour Pénale Internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité entraîne son arrestation en France.
Parrallèlement, le président des FDLR, Ignace Murwanashyaka, et son vice-président, Straton Musoni, sont arrêtés en Allemagne pour des faits similaires. Leur procès s’ouvre en mai 2011 et est toujours en cours. Par contre, le 16 décembre 2011, la chambre préliminaire I de la CPI infirme les charges à l’encontre de Callixte Mbarushimana, et prononce sa remise en liberté. C’est tout naturellement que celui-ci rentre à Paris le 23 décembre 2011, y bénéficiant même du statut de réfugié politique alors que les FDLR sont considérées comme une organisation terroriste par l’ONU. La semaine suivante, 45 personnes sont tuées par des combattants présumés des FDLR selon le rapport de la MONUSCO. On pourrait même se poser la question des soutiens extérieurs de ce mouvement armé.

On ne peut qu’être scandalisé que des Rwandais puissent être menacés sur le sol français ; or, c’est bien ce qui arrivé à la suite de la visite officielle du Président de la République rwandaise à Paris ;

plusieurs personnes ont été physiquement prises à parti. Des femmes ont même été aspergées d’essence. Heureusement, les agresseurs n’ont pu aller jusqu’au bout de leur intention criminelle, mais les policiers d’Aubervilliers ont refusé d’enregistrer leur plainte.
Par ailleurs, lors des manifestions anti-kabila cette année à Bruxelles, les cafés rwandais ont tous vu leurs vitres brisées montrant ainsi une exportation du racisme anti-tutsi.

On ne peut néanmoins que se féliciter du travail effectué par les juges Poux et Trévidic, même à contre-courant du parquet, confirmant ainsi le dévoiement de l’instruction du juge Bruguière. Les avocats de la défense, se réservant le droit de porter plainte pour « tentative d’escroquerie au jugement en bande organisée ». Néanmoins, même si la publication du rapport fit grand bruit, soulevant par ailleurs une levée de boucliers de la part d’intellectuels bien connus, il faut rappeler que cela ne constitue en rien une avancée juridique.

Tout ceci ne joue pas en faveur de la crédibilité de la justice française et de la patrie des droits de l’homme à rester cohérente entre ses discours et ses actions. Le chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy, qui était notamment ministre du budget, porte-parole du gouvernement et ministre des télécommunications en 1994 avait bien dit lors de sa visite à Kigali en février 2010 que « notre volonté, c’est que tous les génocidaires soient punis. ». Nous pouvons apprécier le chemin parcouru depuis...

On pourrait même se demander s’il est encore utile de poursuivre des actions judiciaires en France contre des présumés criminels, qu’ils soient militaires ou civils, rwandais ou français, à partir du moment où ce sont maintenant les bourreaux (présumés) qui portent plainte. Sur le long terme, l’Etat français sera-t-il capable de se renouveler, de se « purger » en quelque sorte, comme l’ont fait les Allemands après 1945 ? Car c’est tout un pan de la classe politique française qui par non-dit cautionne l’action menée au Rwanda au nom des citoyens français. Par ailleurs, sera-t-il possible de faire en sorte que la séparation des pouvoirs théoriquement fondatrice de la démocratie soit aussi appliquée en pratique en France ?

On pourrait en douter...


Le 12 novembre, le sixième numéro de La Nuit rwandaise devait être disponible dans toutes les bonnes librairies...

Suite au voyage entrepris en octobre au Rwanda par plusieurs membres du comité de rédaction de la revue et pour pouvoir traiter les nombreux documents et témoignages qu’ils ont pu y recueillir, la date de publication de ce sixième numéro de la revue a été repoussée.


La Nuit rwandaise n°6

EDITEUR : Izuba / Esprit Frappeur

AUTEUR : Collectif (revue)

RAYON : Sciences Politiques / Histoire africaine

PRIX : 15 € TTC

15 x 21 • Relié • 485 pages

EAN : 9782844052490
ISBN : 978-2-84405-249-0


La Nuit rwandaise

Pour combattre le négationnisme, pour essayer de comprendre, pour mettre à jour les implications politiques françaises au Rwanda, les soutiens militaires, les relais médiatiques et intellectuels de ce « nazisme africain », pour qu’enfin notre « Plus jamais ça ! » cesse d’être un vœu pieux et impuissant, La Nuit rwandaise fait un point régulier des connaissances sur les processus et les agents ayant rendu possible la perpétration de ce crime en 1994, au moment même où l’on commémorait le cinquantième anniversaire de la libération des camps nazis.

Pour nous envoyer vos manuscrits ou pour toute question au sujet des éditions Izuba, utilisez le formulaire ci-dessous.
Nous vous apporterons une réponse rapide.


Commandez les livres que nous éditions ainsi que ceux de nos partenaires sur le site LivreLibre.fr.

 7/04/2012

 Vos commentaires

Articles référencés 

RWANDA, 20 ANS D'ENQUÊTES ET DE PUBLICATIONS
6/12/2022
Simusiga, le jour de l'extermination
2/06/2022
La France au Rwanda : de « responsable mais pas coupable » à « responsable mais pas complice »
30/06/2021