La dette

Safari - 11/09/2008
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La doctrine de la dette odieuse
« nullité de la dette »

« La dette du Tiers Monde est inique mais il n’existe pas en droit international de corps juridique unique, codifié, concernant la dette publique des États, en général, et la dette extérieure, en particulier. »

Comme le fait remarquer Alain Saumon, "la doctrine de la dette odieuse, élaborée par Sach au début du 20ème siècle, peut faire jurisprudence. Elle s’appuie particulièrement sur deux cas : Costa Rica versus Banque Royale du Canada (la banque voulait le remboursement d’une dette contractée a son profit par le Dictateur Tinoco qui n’était plus au pouvoir lors du procès) et Cuba versus couronne d’Espagne (en 1898 les États-Unis donnent un coup de main à Cuba pour annuler leur dette).

L’ancienneté de cette doctrine n’enlève rien à sa pertinence. Son utilisation par Jubilée Afrique du Sud pour attaquer vingt et une entreprises et banques qui ont aidé le régime de l’apartheid en toute connaissance de cause alors qu’une résolution de l’ONU demandait, dès 1975, le boycott du pays pour violation flagrante des droits humains, est justifiée et remettra en vigueur, on l’espère, un peu de bon sens et d’intelligence dans le droit. La pratique du Droit International envisage dans certaines conditions que sera considérée l’éventualité d’une nullité de la dette dans deux cas, la nature du régime et la finalité du contrat.

Il s’agit de dettes contractées par des gouvernements usurpateurs ou des dictatures dont la représentativité est mise en question ou dont les actes ne sont pas considérés comme juridiquement valables en droit international.

Dans le cas de crimes contre l’humanité, la difficulté réside dans l’analyse du degré de responsabilité des individus, même si leur participation directe aux crimes n’est pas avérée mais pourvu qu’ils sachent la nature du régime et les crimes commis."

L’Afrique subsaharienne dépense quatre fois plus pour rembourser sa dette que pour toutes les dépenses de santé et d’éducation...

Combien de temps encore les populations du Tiers-Monde vont-elles devoir s’acquitter des dettes et des intérêts faramineux qui leurs sont liés alors que ces dernières dans la plupart des cas ont été contractées par des dictateurs maintenus au pouvoir par les états « préteurs » contre la volonté des populations ?

L’existence de cette dette permet aux organismes internationaux (FMI, Banque Mondiale) d’avoir une véritable main mise sur les politiques économiques des pays que l’on n’ose plus appeler « en voix de développement » et de leur imposer « des plans d’ajustement structurels », en fait de les obliger à brader aux entreprises et capitaux étrangers (occidentaux, ça va de soit) les seules structures économiques susceptibles de rapporter des devises (mines, exploitations forestières,...) et tous les « services publics » (traitement de l’eau, électricité, télécommunications...).

Nos entreprises (Bolloré, Bouygues, Vivendi, La Lyonnaise des Eaux, mais aussi La Poste, EDF, France Telecom...) sont les grandes gagnantes de cette situation inique qui ne profite pas plus aux habitants de l’hexagone qu’aux populations africaines doublement spoliées.

Le poids de la dette*

Malgré les promesses toujours renouvelées par nos responsables politiques français et le G8, on ne répétera jamais assez que :

- La dette des pays du Sud persiste :Les allégements de dette envisagés ne représentent que 2,8% du stock de la dette du Sud.

- Jusqu’à 40% des budgets des Etats concernés sont consacrés au remboursement de cette dette.

L’endettement extérieur public total des pays en voie de développement (PED) atteignait en effet 2527,5 Mds $ en 2000, dont 2 061 à moyen et long terme.

La dette internationale des PED a quadruplé depuis 1980. Selon le FMI, celle-ci s’est accrue sur les 8 dernières années de la manière suivante :

Les créanciers privés détiennent 58% de cette dette extérieure, les créanciers publics bilatéraux 25% et les institutions multilatérales 17%.

Pour l’ensemble des PED, le poids relatif de l’endettement s’est aggravé au cours de ces vingt dernières années. La dette extérieure totale représentait en 2000 l’équivalent de 37,4 % de leurs PNB cumulés, contre 18,2% en 1980 et 114,3 % de leurs recettes d’exportation, contre 84,4% il y a vingt ans.

Deux continents plus particulièrement frappés par le surendettement : l’Amérique latine et l’Afrique sub-saharienne

L’Afrique sub-saharienne est la partie du monde la plus sévèrement touchée par le surendettement :

Sa dette est passée de 60,6 Mds $ en 1980 à 206,1 Mds $ en 2000. Dans le même temps, le rapport entre le stock de dette et la richesse nationale explosait, passant de 23,4% à 66,1%. Désormais son stock de dette rapporté à ses recettes d’exportation atteint 180,2%, contre 65,2% en 1980.

Son service de la dette a connu une évolution à peu près similaire passant de 3,2 Mds $ en 1980 à 9,7 Mds $ en 2000.

Même si les économies des pays latino-américains, ainsi que la nature de leurs dettes extérieure sont différentes, ce continent est également frappé par un surendettement particulièrement important :

- le stock de dette des pays d’Amérique latine est passé de 257,3 Mds $ (1980) à 809,1 Mds $ en 2000. Leur ratio dette sur PNB est de 38,5% et celui de dette sur recettes d’exportation est de 172,6%.

- leur service de dette est passé de 21,7 Mds $ à 114,2 Mds $, et leur ratio service de la dette sur recettes d’exportation s’élève à 35,7% ( avec une pointe de 110,9% pour le Brésil)

La crise financière de l’Argentine, a une nouvelle fois mis en évidence le caractère ingérable de l’énorme fardeau de la dette accumulé par certains pays latino-américains. La dette extérieure publique argentine s’élève désormais à 142 Mds $ (contre 65 Mds $ en 1991), ce qui correspond à 53,7% de son PIB.

La dette et nous*

Nul doute, le système de l’endettement devenu un mécanisme de subordination des peuples du Sud par ceux du Nord.

La spirale de l’endettement a débuté dans les années 60/70, avec l’apparition en abondance des pétro-dollars que les banques ont eu intérêt à placer, même à taux très bas, dans certains pays du tiers-monde ; il était alors intéressant pour les pays du Sud de s’endetter pour financer leur développement, d’autant plus que les revenus de leurs exportations croissantes leur permettaient de rembourser (capital et intérêts) sans difficultés. Parallèlement, l’économie occidentale qui connaissait une baisse de croissance avait besoin de débouchés pour ses produits.

Cette belle harmonie apparente -qui évitait tout problème au Nord n’était cependant pas sans risques pour les emprunteurs car les modalités de remboursement, en devises, les poussaient notamment à l’abandon des cultures vivrières au profit des productions d’exportation ... sans compter la réalisation de « méga-projets », inadaptés (éléphants blancs), pour lesquels l’utilité pour les populations n’était pas vraiment prise en compte, pas plus que leurs conséquence sur de l’environnement.

La crise est apparue en 1982 sous le triple effet de la hausse subite des taux d’intérêts, des baisses de revenus d’exportation et de la diminution des flux de capitaux.

On pourrait croire que maintenant la dette est un problème uniquement pour les pays du Sud, qui ne cessent de la rembourser en un cycle infernal. Mais ce serait ignorer effet boomerang, palpable sur des questions comme l’environnement ou la drogue.

Car pour honorer leurs engagements les pays endettés, ont besoin d’accroître à tout prix leurs rentrées de devises et sont amenés :

- d’une part à pratiquer des cultures « hors saison » pour le Nord, utilisant des quantités importantes de pesticides et d’engrais qui finissent par diffuser partout,

- d’autre part à accorder d’énormes concessions forestières et minières guidées par le seul souci du profit à court, fort peu soucieuses d’environnement.

Cette nécessité d’exporter conduit à l’abattage des forêts primaires (bois précieux) et à l’extension des pâturages pour la viande bovine d’exportation. Non seulement il y a perte de biodiversité, mais la disparition accélérée des forêts constitue une réelle menace pour le climat

Le mécanisme liant la dette et la drogue est celui d’une demande régulière en Europe et aux États-Unis, d’une offre prospère de cocaïne, notamment dans les pays andins, principalement Bolivie, Colombie et Pérou, et un endettement croissant de ceux-ci malgré des versements considérables au service de la dette ; la Bolivie, pays le plus pauvre d’Amérique latine, exportateur traditionnel d’étain dont les cours se sont effondrés, y consacre, sous le contrôle du FMI, presque la moitié de ses revenus d’exportation légaux.

Pour tarir la source, au lieu de « faire la guerre » à la drogue, ne serait-il pas préférable de proposer des alternatives aux millions de personnes pour qui elle est le seul moyen de subsistance, à commercer par les soulager du fardeau de la dette de leur pays ?

Les inégalités croissantes battent en brèche le droit des peuples à vivre chez eux : elles engendrent des flux migratoires de plus en plus importants de par le monde, qui conduisent dans certains cas à des comportements xénophobes ou racistes.

Les plans d’ajustement structurel*

A la fin des années 1970, les Institutions financières internationales (IFI) ont commencé à promouvoir une nouvelle approche de prêts aux pays se heurtant à de sérieuses crises de dette.

La Banque Mondiale a commencé à déplacer des prêts jusque là destinés à financer des projets (barrages, centrales électriques etc.) pour les diriger vers des Programmes d’ajustement structurel (PAS) visant à restructurer soit l’ensemble de l’économie soit un secteur spécifique tel que l’énergie ou l’éducation.

Afin de bénéficier de ces prêts, le gouvernement était alors prié de réaliser des changements dans sa politique et ses institutions afin de chercher à améliorer ostensiblement ses performances économiques.

Ces politiques d’ajustement structurel reposent sur une théorie économique très fortement libérale, qui considère que le libre marché doit présider à la fourniture de biens et de services, la concurrence devant assurer l’utilisation la plus efficace des ressources ainsi que des bénéfices plus importants. Le mécanisme de ces PAS sont appliqué selon une « recette courante » :

- Dévaluation de la devise,

- Promotion des exportations au dépend des cultures vivrières,

- Libéralisation du commerce,.

- Réduction des restrictions imposées aux investissements étrangers.

- Privatisations

Les prêts d’ajustement structurel en sont venus à englober la majeure partie des prêts de la Banque Mondiale (jusqu’à 53 % en 1999) alors que le type et l’exécution des réformes d’ajustement structurel encouragées par les Institutions financières internationales (IFI) ont été controversés quasi dès leur début. Les principales critiques faisaient ressortir :

- un manque de participation,

- un manque de transparence,

- des effets pernicieux sur les pauvres,

- un préjudice porté aux producteurs locaux.

- la dégradation de l’environnement,

- un modèle unique pour tous,

- un échec à réaliser la croissance.

Longtemps la Banque Mondiale et le FMI déclaraient qu’il s’agissait d’une « souffrance de court terme, pour un bénéfice à long terme » pourtant cette souffrance à court terme s’est instaurée pour plus de 20 ans, creusant les inégalités et freinant tout développement. Face aux critiques la Banque mondiale s’est engagé dans une réforme de ses programmes.

Pour que ceux-ci œuvrent réellement en faveur du développement nous mettons en avons les points suivants :

1. Que la lutte contre la pauvreté soit l’objectif premier de tous les programmes de prêt des IFI aux pays à faibles revenus et que les progrès en vue de ce but soient mesurés par des objectifs et des indicateurs concrets,

2. Que se développent une consultation et une participation substantielle des citoyens (et que Banque mondiale et FMI n’y aient principalement qu’un rôle de conseillers),

3. Que tous les bailleurs de fonds publics coordonnent leur aide et leurs programmes de prêt au travers du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSRP) élaboré par le pays bénéficiaire.

* Informations issues de la Plate-forme d’information et d’action sur la dette des pays du Sud

http://www.dette2000.org

« 6 fiches pour comprendre le problème de la dette »

Safari collabore au collectif Ad Nauseam.

« Nous n’avons rien appris, nous ne savons rien, nous ne comprenons rien, nous ne vendons rien, nous n’aidons en rien, nous ne trahissons rien, et nous n’oublierons pas. »

 11/09/2008

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