Théâtre : hate radio, la radio de la haine (IIPM / Milo Rau)

Bruno Gouteux - 30/09/2012
Image:Théâtre : hate radio, la radio de la haine (IIPM / Milo Rau)

Du 4 au 15 décembre 2012
La Villette - Tarifs entre 10 et 16 euros

La radio de la haine (Hate Radio) était la Radio-télévision Libre des Mille Collines (RTLM), le vecteur audio du génocide rwandais.

« Aujourd’hui encore, la voix de la RTLM accompagne les cauchemars de millions de personnes... »

RECONSTITUTION D’UNE ÉMISSION DE LA RTLM, LA RADIO RWANDAISE GÉNOCIDAIRE.

La pièce retrace l’ordinaire de la RTLM, dans un studio installé à l’identique.

« Des artistes rwandais prêtent leurs visages et leurs voix à la haine au travail, dans son costume de tous les jours. Et en appellent in fine à notre vigilance, si un simple stimulus sonore suffit à réveiller le racisme extrême. »

Du 4 au 15 décembre 2012
Mardi, mercredi, vendredi, samedi 20h30
Jeudi 19h30
Durée : 2h environ
Conception graphique Carole Peclers

HATE RADIO a été réalisé en collaboration étroite avec le TPIR (Tribunal Pénal International pour le Rwanda), le CNLG (Commission Nationale de Lutte contre
le Génocide), le Ministère de la Justice du Rwanda ainsi qu’avec d’autres associations, dont l’IBUKA.

Une évaluation détaillée des archives du TPIR, où sont conservés de nombreux supports photo, vidéo et audio, a été faite.

Les transcriptions des procès contre les anciens animateurs et responsables
de la “Radio-Télévision Libre des Mille Collines” ont été analysées, et des entretiens individuels ont été menés avec d’importants collaborateurs de la RTLM, dont Valérie Beremiki, la présentatrice féminine la plus populaire de la radio (qui purge actuellement une peine de prison à vie).

« Si on avait cherché un moyen efficace et rapide d’empêcher le génocide au Rwanda, nous dit le journaliste américain Philip Gourevitch, arrêter les émissions de la radio RTLM aurait pu être un bon début. »

Durant des mois, et avec un cynisme incroyable, les animateurs et les responsables de cette radio ont préparé le génocide comme on met en place une campagne publicitaire.

Pendant des mois, entre des programmes de musique pop, des reportages sportifs, se sont glissés des pamphlets politiques et des appels explicites au meurtre.

Dans ce laboratoire sombre, les derniers tubes de la musique congolaise se sont alors entremêlés à la pire idéologie raciale. Le projet « HATE RADIO » reprend de vraies émissions de la RTLM et les restitue en direct, sur scène, dans un studio reconstruit d’après le studio original – avec des survivants du génocide.

Lorsque l’avion du président rwandais Habyarimana est abattu par deux missiles le 6 avril 1994, peu avant l’atterrissage, c’est le signal de départ du génocide le plus cruel jamais enregistré depuis la fin de la guerre froide. Au cours des mois d’avril, de mai et de juin 1994, on estime qu’entre 800 000 et 1 million de personnes appartenant à la minorité Tutsi ainsi que des milliers de Hutu modérés sont assassinés dans cet Etat de l’Afrique centrale.

Le génocide s’opére, en un laps de temps très court, et implique toutes les couches de la population. Les cadavres bordent les rues, remplissent les églises, les écoles et les hôpitaux. Des actes de barbarie inimaginables accompagnent cette hécatombe. Des citoyens de classe moyenne torturent leurs voisins, des professeurs noient leurs élèves, des enfants tuent leurs camarades de jeu.
Comme l’holocauste, un demi-siècle auparavant, ce déchaînement de violence ébranle la confiance en l’humanité. L’apparente absence de transition entre une normalité prospère et un état d’exception barbare questionne. La jovialité de carnaval et le complet non-sens politique du génocide rwandais font de l’ancienne république modèle du Rwanda une sorte de cas exemplaire d’une politique de développement ratée.

En effet, ce qui apparaît aux observateurs étrangers comme une rupture de civilisation inattendue a été prévu et préparé de longue date.

Bien avant les “100 jours”, la station de radio la plus populaire du pays, la “Radio-Télévision Libre des Mille Collines” (RTLM) a pratiqué, quotidiennement, avec des techniques innovantes, un véritable lavage de cerveau chez ses auditeurs. Elle a savamment travaillé à la déshumanisation progressive des uns (Tutsi et Hutu modérés) et à la radicalisation sauvage des autres. La programmation mêlait à la musique pop, aux reportages sportifs, des pamphlets politiques et des appels explicites au meurtre. Le studio de RTLM est ainsi devenu en quelques mois, un laboratoire de propagation d’idées racistes, égrenées au milieu d’émissions de divertissement. Il a activement œuvré pour la naissance du premier génocide réellement “postmoderne”.

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"Parmi les milices hutu, écouter la RTLM était obligatoire pour pouvoir recevoir les ordres. Les Tutsi, quant à eux, écoutaient la station pour être informés des actions prévues. Il n’y avait donc pour ainsi dire personne qui ne faisait pas partie des auditeurs de la “Radio-Télévision Libre des Mille Collines”.

La radio RTLM a été la voix du génocide et la reconstitution du studio de radio se doit de rendre perceptible l’ambiance profondément dérangeante de la station. Une atmosphère faite de divertissements légers et d’incitation hystérique au meurtre.

Le lieu est central. Il s’agit de restituer, avec une exacte conformité aux faits, l’étroit et minuscule centre de commandement d’un des plus grands génocides de l’histoire mondiale. Les évènements rejoués, dans leur présence brutale et intacte, doivent rendre sensible et compréhensible pour le spectateur le caractère menaçant de l’histoire réelle et lui faire sentir qu’il en est le témoin."

Le projet HATE RADIO donne à penser cette dichotomie entre vie quotidienne et atrocité meurtrière, entre divertissement et extermination. A travers le jeu théâtral, le projet pose les jalons d’une tentative de compréhension de l’incompréhensible. La reconstitution d’une émission de la “Radio-Télévision Libre des Mille Collines”, animée par trois animateurs d’origine rwandaise et un animateur d’origine belge, figure au centre du projet. L’installation scénique, constituée à partir de documents et de témoignages, doit rendre perceptible la manière dont se développe le racisme et le processus par lequel certains êtres humains voient leur humanité niée par d’autres, en paroles et en actes. Les spectateurs séjourneront dans le laboratoire d’une pensée raciste en pleine maturation. Parallèlement, à travers la présentation de récits choisis d’anciens coupables et de victimes du génocide, dans les différents halls d’entrée du studio de radio reconstitué, ils seront les témoins des conséquences destructrices et indélébiles d’une telle pensée.

Un épais recueil de documents, un groupe de recherche et différentes manifestations parallèles accompagnent HATE RADIO pour en faire un projet interdisciplinaire.

Le public est ainsi convié à s’interroger sur les formes d’apparition des violences racistes en Europe et en Afrique et sur la question de leur représentation dans l’art.

IIPM – Institut international du crime politique

L’IIPM – Institut international du crime politique – dont le siège est à Berlin et à Zurich, a été fondé fin 2007 afin d’intensifier les échanges entre le théâtre, les arts plastiques, le cinéma et la recherche dans le domaine du reenactment – la reconstitution d’évènements historiques – et d’y adjoindre une réflexion sur le plan théorique. Les coproductions internationales et les thèmes intéressant la société dans son ensemble y occupent le devant de la scène.

Lors de ses reconstitutions artistiques, l’IIPM est soucieux de rester le plus possible fidèle aux faits. Un travail de recherche approfondi sur les archives et des interviews avec des témoins de l’époque constituent la base sur laquelle l’institut élabore ses projets. A travers des installations théâtrales, filmiques, littéraires et artistiques, des évènements majeurs sur le plan historique sont rendus accessibles au spectateur de façon à la fois pédagogique et exigeante sur le plan esthétique.

Les membres de l’IIPM travaillent ensemble depuis de nombreuses années au sein d’équipes mouvantes. Leurs précédentes productions, qui ont été présentées dans de nombreux théâtres d’Allemagne, de Suisse et de Roumanie (HAU de Berlin, Theaterhaus Gessnerallee de Zurich, Teatrul Odeon de Bucarest, sophiensaele de Berlin, kampnagel de Hambourg, Maxim Gorki Theater de Berlin, Staatsschauspiel de Dresde, Schlachthaustheater de Berne, Südpol de Lucerne, etc.), ont reçu une large résonance sur le plan international et sont synonymes d’une nouvelle forme d’art politique.

Le dernier projet théâtral en date produit par l’IIPM – Les derniers jours des Ceausescu (10/2009) – est une reconstitution de la condamnation et de l’exécution du couple Ceausescu en décembre 1989, une reconstitution ayant fait l’objet de recherches minutieuses. Il a été représenté en Roumanie, en Allemagne et en Suisse et y a rencontré un large succès auprès du public et de la critique.

Il a été nominé aux rencontres théâtrales berlinoises (Berliner Theatertreffen) et salué par les médias européens. Une série de tables rondes, de colloques et de manifestations parallèles ainsi qu’une version filmée, produite par une équipe internationale, et un épais catalogue documentaire ont accompagné le projet pour en faire un évènement interdisciplinaire intéressant la société dans son ensemble (première du film du 11 au 16 juillet 2010 au Festival d’Avignon, Maison Jean Vilar).

En sus du traitement artistique exigeant de moments-clés historiques, le dépassement des frontières entre les médias (entre théâtre et cinéma, arts scéniques et littérature, art et politique, théorie et pratique) est donc un objectif déclaré de l’IIPM.

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Distribution

Texte et Mise en Scène : Milo Rau
Dramaturgie et Production : Jens Dietrich
Scénographie et costumes Anton Lukas
Avec Afazali Dewaele, Sébastien Foucault, Estelle Marion, Nancy Nkusi, Diogène Ntarindwa (Atome)
Conception son et vidéo Marcel Bächtiger
Direction de production Milena Kipfmüller
Relations publiques Yven Augustin
Collaboration scientifique Eva-Maria Bertschy
Assistant son et vidéo Jens Baudisch
Collaboration à la conception son Peter Göhler
Charte graphique Nina Wolters
Web design Jonas Weissbrodt
Documentation Lennart Laberenz (film), Daniel Seiffert (photo)
Conseiller académique Marie-Soleil Frère, Assumpta Muginareza, Simone Schlindwein
En partenariat avec les Villes de Brégence (Autriche) : Eva Birkenstock ; de Zürich : Hayat Erdogan ; de Berne : Eva Bertschy ; de Bâle : Rolf Bossart
Casting Bruxelles et Genève Sebastiâo Tadzio
Casting Kigali Didacienne Nibagwire

Informations pratiques

Du mardi au samedi à 20h30, les jeudis à 19h30.

Rencontre avec l’équipe artistique le jeudi 6 décembre à l’issue de la représentation autour de la thématique « Comment aborder artistiquement un génocide ? »

Plein tarif : 16€ - tarif réduit : 12€ - Villette Jeunes (- 26ans) et Carte Villette : 10€

Info / résa : 01 40 03 78 23

www.theatrealavillette.com


Note de la rédaction :

Il nous semble important de souligner ici que les militaires français de l’opération « Turquoise » n’ont jamais essayé - et ils en avaient la possibilité et les moyens - d’interrompre la diffusion de la RTLM, « radio génocide » dans ce qu’ils auront cyniquement nommé la « Zone Humanitaire Sure » [ZHS], zone qu’ils contrôlaient et où se perpétuait, sous leurs yeux (et parfois avec leur complicité), le massacre des derniers Tutsi ayant survécu au génocide...

Production

HATE RADIO

UNE PRODUCTION DU “IIPM – INTERNATIONAL INSTITUTE OF POLITICAL MURDER”

TEXTE & MISE EN SCENE : Milo Rau

DRAMATURGIE & GESTION CONCEPTUELLE:Jens Dietrich

SCENOGRAPHIE & COSTUMES : Anton Lukas

AVEC : Afazali Dewaele, Sébastien Foucault, Dorcy Rugamba, Estelle Marion, Nancy Nkusi

ASSISTANAT A LA MISE-EN-SCENE : Eva-Maria Bertschy

VIDEO : Marcel Bächtiger

SON & ASSISTANAT A LA VIDEO : Jens Baudisch

CONSEIL SON : Peter Göhler

PRODUCTION : Milena Kipfmüller

RELATIONS PUBLIQUES : Yven Augustin

CORPORATE DESIGN : Nina Wolters DOCUMENTATION DU

PROJET : Lennart Laberenz

CONSEILS : Assumpta Muginareza, Simone Schlindwein, Marie- Soleil Frère

PROGRAMME ACCOMPAGNATEUR SUISSE : Hayat Erdogan

DISTRIBUTION (BRUXELLES/GENEVE) : Sebastiâo Tadzio

DISTRIBUTION (KIGALI) : Didacienne Nibagwire

Visuel : http://www.villette.com/ressources/imageBank/55/229x,4227,212x212hateradio.jpeg (Mention obligatoire : Conception graphique Carole Peclers)

Bruno Gouteux est journaliste et éditeur —Izuba éditions, Izuba information, La Nuit rwandaise, L’Agence d’Information (AI), Guerre Moderne, Globales…—, consultant —Inter-Culturel Ltd— et dirige une société de création de sites Internet et de contenus —Suwedi Ltd.

Il est engagé dans plusieurs projets associatifs en France et au Rwanda : Appui Rwanda, Distrilibre, Initiatives et Solutions interculturelles (ISI), le groupe Permaculture Rwanda, Mediarezo

 30/09/2012

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