La Françafrique (le film)

Bruno Gouteux - 20/11/2010
Image:La Françafrique (le film)

Conseiller historique : Antoine Glaser
de Patrick Benquet

Après le très bon Ces Messieurs Afrique : Le Paris-village du continent noir paru en 1992 chez Calmann-Lévy, Antoine Glaser, toujours avec son co-auteur, Stephen Smith, publie en 2005 Comment la France a perdu l’Afrique.

Entre ces deux livres aura eu lieu la plus importante dérive du système françafricain, la participation de l’armée française au génocide des Tutsi et la complicité diplomatique, financière et politique de l’État français avec les génocidaires rwandais.

Entre ces deux livres Stephen Smith sera devenu le « négrologue » [1] officiel de la Françafrique : Stephen Smith se sera mué en un relai de transmission efficace de la politique néocoloniale française et aura grandement participé à la désinformation des citoyens français sur l’implication de leur pays dans le dernier génocide du XXe siècle, dans le quotidien Libération puis dans le journal Le Monde.

On ne peut douter, a priori, de la bonne fois de Patrick Benquet dans sa volonté de mettre en lumière, dans son documentaire, les pratiques et la réalité du néocolonialisme français d’hier et d’aujourd’hui.

On ne peut que regretter que subsiste un malentendu. Et un grand malentendu...

Subsiste en effet, après visionnage du film, ce « malheureux malentendu » [2], sur lequel revient une spectatrice du film à laquelle Patrick Benquet aura pris la peine de répondre : « la Françafrique, c’est fini » [3].

« Malheureux malentendu » auquel répond Patrick Benquet : « La Françafrique continue mais elle a changé : »

« (...) j’y laisserais entendre que la Françafrique c’est fini. Malheureux malentendu. La Françafrique continue mais elle a changé. Sarkozy n’est pas De Gaulle, Bourgi n’est pas Focard, (...). »

On est content de lire cette précision... Il est cependant dommage qu’un tel « malentendu » puisse subsister après le visionnage de la seconde partie de ce documentaire.

Faut-il y voir l’effet de la collaboration au documentaire (comme conseiller historique) d’Antoine Glaser, rédacteur en chef de La Lettre du Continent (lettre confidentielle bimensuelle consacrée à l’Afrique) et co-signataire, avec Stephen Smith, le « négrologue officiel de la République » [4], de livres tentant d’accréditer, justement, la fable de « la fin de la Françafrique » ?

« Pour Stephen Smith et Antoine Glaser, c’est encore et toujours la fin de la Françafrique. Dans leur nouvel ouvrage, Sarko en Afrique, c’est une thèse qu’ils développent encore malgré la riche actualité françafricaine qui a jalonné la présidence Sarkozy. Une contradiction majeure pour une enquête censée « vérifer le discours de la rupture ». »
« Sarkologies », Nathalie Carton (1/10/2008), Survie [5]

Alors pourquoi Patrick Benquet ne parle pas du génocide des Tutsi de 1994, au Rwanda, auquel, justement, la « Françafrique » (le sujet de son film) aura prêtée main forte ?

Nous devrons nous contenter, pour toute explication, de sa réponse à Alexandra : « je ne parle pas du Rwanda... et de bien d’autres choses. »

Voir un extrait du film :

DIFFUSION

Les 9 et 16 décembre 2010 dans « Infrarouge » sur France 2

SORTIE DVD

Le 2 décembre 2010

SYNOPSIS

En 1960, les quatorze colonies françaises d’Afrique noire deviennent indépendantes. Le général de Gaulle confie à Jacques Foccart la mise en place d’un système qu’on appellera la Françafrique et qui vise à garder, par tous les moyens légaux et illégaux, le contrôle de nos anciennes colonies.

50 ans plus tard, ce système perdure. Pour la première fois, des hommes en charge des plus hautes responsabilités officielles ou officieuses durant ces cinquante dernières années, révèlent l’histoire tumultueuse d’un monde secret où, en dehors de tout contrôle parlementaire ou gouvernemental, tous les coups sont permis.

Un échange entre le réalisateur, Patrick Benquet, et Alexandra, une spectatrice

Source : africultures.com

• Bonne synthèse et excellente vulgarisation, une fin déplorable

Par Alexandra le 09|11|2010

J’ai vu Françafrique lors d’une avant première. Les 80 premières minutes sont d’un très bon niveau. La Françafrique y est définie, grâce aux aveux de ses grands commanditaires, conforme à la synthèse formulée par François-Xavier Verschave (même si ce dernier n’est pas cité) : coups d’États, mercenaires, ventes d’armes et pillage des matières premières, font de l’« indépendance » des anciennes colonies une poursuite de la colonisation de la France en Afrique.

Cette première partie est loin d’être complète, de nombreux assassinats, guerres, morts ou pays sont oubliés, mais le but énoncé est de démontrer la logique et la continuité d’un système tout au long de la Vème République, et c’est réussi.

Didactique et clair, tout le monde devrait voir ce film, courageux et indépendant, pourrait-on croire... avant de voir la seconde partie.

Comme on aurait dû s’y attendre, le documentaire y prend un très mauvais tournant. Ce qui est extraordinaire avec la Françafrique, c’est que quelle que soit la date où la TV en parle, c’est toujours quelque que chose de « terminé » et « qui appartient au passé » !

La formule magique qui marchait en 1980, renouvelée chaque année avec une même continuité nous est resservie en 2010...

C’est inadmissible (nous ne nions pas l’évolution du système en « mafiafrique »), mais c’est tellement grotesque, que peut être cela se verra, on peut être optimiste, ou pas.

En effet, les journalistes se basent notamment sur un discours de Ali Bongo et Nicolas Sarkozy pour dire que les pratiques ont changé, oubliant aussi une bonne part d’actualité.

Pauvres mercenaires, ils doivent sûrement être au chômage.

Dormez braves gens, tout va bien, désormais.

NB. : Et, « de mémoire d’homme », le point culminant des pratiques de la Françafrique : le génocide des Tutsi du Rwanda, n’a visiblement jamais eu lieu.

A voir quand même, on en apprend beaucoup.

• Françafrique : Réponse à Alexandra du réalisateur

Par Benquet Patrick le 12|11|2010

Je suis le réalisateur du film Françafrique dont Alexandra fait un compte rendu ci-dessus. Si Alexandra approuve le premier épisode et j’en suis heureux car j’ai travaillé deux ans sur ce film pour faire parler des gens qui ne l’avaient jamais fait et pour rendre lisible une histoire terrible que la plupart des Français ne connaissent pas.

Alexandra critique violemment le second épisode sur le motif que j’y laisserais entendre que la Françafrique c’est fini. Malheureux malentendu. La Françafrique continue mais elle a changé. Sarkozy n’est pas De Gaulle, Bourgi n’est pas Focard, les chef d’Etat africains ont appris à créer un vrai rapport de force avec les autorités françaises.

Mais je dis clairement que c’est toujours au détriment des peuples africains, qui ne profitent toujours pas des richesses du pays.

Un dernier mot : je ne parle pas du Rwanda... et de bien d’autres choses.

Mais si Alexandra trouve le film très clair c’est bien parce que j’ai fait des choix dans les sujets traités.

Bien cordialement.

Patrick Benquet


Documentaire de Patrick Benquet, France, 2010, 2 x 1h30

Réalisé par Patrick Benquet
1/ La raison d’État
2/ L’argent roi

Genre : documentaire
Durée : 2 x 1h30
Année de production : 2010

Auteur : Patrick Benquet
Réalisateur : Patrick Benquet
Conseiller historique : Antoine Glaser
Montage : Françoise Tubaut
Musique : Christophe Marejano
Producteur : Compagnie des Phares et Balises (Jean Labib, Anne Labro)

La Françafrique de Patrick Benquet aura fait l’ouverture du festival du film d’Histoire de Pessac, le 15 novembre, festival dont le thème est « La fin des colonies ».

Aurait-il dû prendre pour thème La « fin de la Françafrique » ?

Bruno Gouteux est journaliste et éditeur —Izuba éditions, Izuba information, La Nuit rwandaise, L’Agence d’Information (AI), Guerre Moderne, Globales…—, consultant —Inter-Culturel Ltd— et dirige une société de création de sites Internet et de contenus —Suwedi Ltd.

Il est engagé dans plusieurs projets associatifs en France et au Rwanda : Appui Rwanda, Distrilibre, Initiatives et Solutions interculturelles (ISI), le groupe Permaculture Rwanda, Mediarezo

 20/11/2010

[2comme l’appelle Patrick Benquet

[3Lire l’échange entre Alexandra et le réalisateur - publié sur le site d’Africultures - reproduit sur cette page

[4Il faut cependant noter que Stephen Smith semble s’être recyclé. Ses derniers ouvrages portent sur « les noirs de France » et « la postcolonie »...

[5Lire également en page 2

 Vos commentaires

 En image

Articles référencés 

Épisode 3 : LA FRANCE LIVRE DES ARMES AUX GÉNOCIDAIRES
22/04/2024
jeudi 16 mai 2024 à 19h : Réunion Survie49 au centre Jacques Tati
21/04/2024
Rwanda, lumières sur un génocide : en France, des archives bien gardées (AUDIO)
18/04/2024