Génocide des Tutsi : « à Paris, on savait, on avait choisi son camp »

30/05/2013
Génocide des Tutsi : « à Paris, on savait, on avait choisi son camp »
 30/05/2013

« Le devoir de mémoire implique l’exigence de l’histoire. La meilleure manière de préparer la vingtième commémoration de l’événement massif survenu en avril 1994 est de faire la lumière sur les années qui l’ont précédé. »

Telle est la présentation du Colloque qui s’est tenu à Paris au Mémorial de la Shoah le dimanche 26 avril 2013 : Le génocide des Tutsi au Rwanda. 1993 : que savait-on un an avant ?


Un an avant le génocide, que savait-on à propos du Rwanda ? - Colette Braeckman

« Au vu du révisionnisme ambiant, de l’ignorance ou de l’oubli qui gagnent du terrain, le colloque organisé à Paris par l’association Ibuka prend tout son sens, autour d’une question simple : un an avant le déclenchement du génocide, que savait on ? Autrement dit, les ingrédients de la tragédie étaient ils déjà réunis, comme du bois de feu auquel il n’aurait manqué que l’étincelle pour qu’il s’embrase ? La question demeure pertinente, non seulement pour définir mieux encore les responsabilités ou les aveuglements de l’époque, mais surtout pour confondre ceux qui, de nos jours encore, soutiennent la thèse d’ une « colère spontanée » qui aurait été déclenchée par l’attentat contre l’avion du président Habyarimana. »

Que savait-on en 1993 ?

"Au vu des témoignages de l’avocat Eric Gillet et de Gasana N’Doba, qui participèrent à la mission d’enquête menée au Rwanda en 1992 par la Fédération internationale des Droits de l’homme et par Human Rights Watch, la réponse est accablante : la « société civile », les défenseurs des droits de l’homme étaient parfaitement au courant de la mise sur pied d’une « machine à tuer » composée de tueurs bien rodés, bien équipés, exécutant des ordres transmis par voie hiérarchique. En Belgique, en France et ailleurs, le pouvoir politique, interpellé par des hommes comme Jean Carbonare, qui participait à la mission, refusa-t-il d’entendre ? « Même pas » souligna amèrement Eric Gillet, « ils étaient parfaitement au courant ; les Etats étaient mieux informés que nous, et depuis plus longtemps… »

(...)

... nombre d’intervenants, à la tribune et dans la salle, rappellent le rôle de la France à l’époque et rendent un verdict accablant : à Paris, on savait, on avait choisi son camp."

Le camp des génocidaires. Camp que la France aura soutenu politiquement et diplomatiquement, mais aussi entraîné, financé, armé - jusque dans leur retraite, au Congo voisin, retraite elle aussi organisée par la France et l’opération Turquoise.

Collette Braeckman reprend pour conclure les propos de Jean-Pierre Chrétien, qui rappelle, lors de ce colloque, « que la guerre ne pris pas fin en juillet 1994 lorsque le FPR pénétra dans Kigali et mit fin au génocide. Elle prit d’autres formes, emprunta d’autres canaux : humanitaire, diplomatique, judiciaire, médiatique. Cette histoire là, celle du jour d’après, qui passe par les couloirs du TPIR et les enquêtes du juge Bruguière, reste à écrire… »

Et c’est cette histoire là, « celle du jour d’après », qui se joue aujourd’hui encore, vingt ans après le génocide des Tutsi, en République Démocratique du Congo. Une histoire française... (lire à ce propos : Kivu : Une agence pour observer la première intervention « offensive » de l’ONU).


1993 : que savait-on un an avant le génocide des Tutsi au Rwanda ? - Mathieu Lopes

“La France a fourni un appui au régime qui a commis le génocide des Tutsi de 1994. Les autorités de notre pays l’ont-elles fait en connaissance de ce que leurs alliés rwandais préparaient alors ? Vingt ans après, selon les pièces découvertes par les différents travaux judiciaires, parlementaires ou journalistiques, le doute n’est pas permis."

Ce qu’en savait la France ?

Ce que savait la France - les militaires et la diplomatie françaises -, dès octobre 1990, du projet génocidaire de leurs alliés, les extrémistes rwandais, est développé dans un article de Mathieu Lopes sur le site de l’association Survie : au vu des nombreux documents aujourd’hui disponibles, « il n’est pas possible aux autorités françaises, vingt ans après, d’invoquer l’ignorance pour justifier leur engagement de 1990 à 1993 aux côtés du futur régime génocidaire. »

Dès 1990, lorsque « le régime d’Habyarimana fait appel à ses alliés, la Belgique et la France répondent présents et fournissent des troupes ». Très vite, cependant, les Belges constatent les exactions commises par l’armée du régime (les Forces Armées Rwandaises [FAR]), « les arrestations arbitraires et les massacres de Tutsi organisés par les FAR."

Mathieu Lopes rappelle que cela occasionnera un vif débat au sein du parlement belge où un député - Xavier Winkel - s’exclamera, le 11 octobre 1990 : « soit on reconnaît qu’il s’agit d’une opération militaire de soutien à un régime scandaleux, et on reste ; soit on rassemble les Belges qui le souhaitent et on part ». « Et les Belges partent effectivement, trois semaines après ce débat. »

Mais les Français restent... et continuent de soutenir ce « régime scandaleux » en lui apportant une aide financière, diplomatique et militaire, en formant les militaires et même les miliciens du génocide, en leur fournissant des armes, ...

Lire l’article sur le site de Survie